Bannière du site, image de papillon.

Le papillon qui se faisait passer pour une fourmi

la Réserve Naturelle Régionale des marais et sablières du Massif de Saint-Thierry

Un drôle de cycle de vie

L'histoire de l'Azuré des mouillères (Phengaris alcon) commence dans un bas-marais alcalin, milieu naturel où se développe la Gentiane pneumonanthe (Gentiana pneumonanthe) qui est la plante-hôte de ce papillon.

Chaque été, les femelles viennent y déposer leurs oeufs. Et pour cause ! Leurs larves sont bien difficiles à contenter et consomment exclusivement cette plante et plus particulièrement ses fleurs. Il ne faut cependant pas bien longtemps aux larves affamées avant d'engloutir ce repas frugal. Il est donc grand temps pour elles de passer au plan B. 

Les larves se laissent tomber au sol et commencent à sécréter des phéromones semblables à celles émises par les larves de fourmis appartenant à l'espèce Myrmica scabrinodis. Si par chance, une fourmi de cette espèce vient à passer par là, elle se retrouve ainsi dupée et emporte la larve dans sa colonie. Protégée par les phéromones qu'elle emet, la larve sera choyée et nourrie par les fourmis pendant des mois et passera ainsi la période critique de l'hiver dans la colonie. Elle ira même jusqu'à se transformer au sein de la fourmilière, toujours protégée par son "déguisement" olfactif.

En revanche, une fois le papillon sorti de sa chrysalide, la production de phéromones s'arrête, c'est donc le moment ou jamais de prendre la fuite, avant que les fourmis ne puissent s'attaquer à l'intrus qui les a honteusement trompé des mois durant. Un plan digne de Michel Leblanc pour ce "gentleman cambrioleur" de nos marais. 

Après son exfiltration de la fourmilière, le papillon tout juste transformé n'en est pas moins tiré d'affaire. C'est le moment de se reproduire et le temps presse ! Une fois transformé, la durée de vie moyenne d'un individu n'excède guère 2 jours. On estime aussi que la période des émergences où les adultes sont volant et en capacité de se reproduire dure entre 15 jours et 1 mois chaque année. Tout est donc une fragile question de timing !

Suite à l'accouplement, les femelles iront pondre sur les Gentianes pneumonanthe avant de s'éteindre après tant de péripéties. Vous connaissez désormais la suite...

Pour illustrer cette histoire rocambolesque, nous vous proposons de visionner les images ci-après, prises in-situ par la BBC (de 00:00 à 01:30 minutes) :

 

Et dans la Marne ?

L'Azuré des mouillères est une originalité mais surtout une rareté, dont une petite population subsiste dans quelques marais au nord de Reims et notamment au niveau de la Réserve Naturelle Régionale des Marais et Sablière du Massif de Saint-Thierry. Comme c'est le cas pour de nombreuses autres espèces, la Réserve Naturelle a donc une responsabilité vis-à-vis du maintien de ces populations, car n'oublions pas que l'extinction d'une espèce commence localement.

Mais comme vous l'aurez compris, la préservation de l'Azuré des mouillères passe avant tout par une protection de l'habitat de la Gentiane Pneumonanthe et de la fourmi Myrmica scabrinodis, ces espèces étant très étroitement liées. De nombreuses opérations sont donc réalisées dans les bas-marais alcalins de la Réserve Naturelle pour favoriser et encourager leur maintien. Il s'agit notamment de travaux de débroussaillage et/ou de la remise en place d'un patûrage afin de maintenir les marais dans un bon état de conservation, favorable à ces espèces.

Azuré des mouillères (Phengaris alcon) © Nicolas Helitas

 

Oeufs d'Azuré des Mouillères sur Gentiane pneumonanthe © CENCA - Séverine Goertz